Séance 3 : L'acteur et le personnage

Le travail de l’acteur consiste, dans le cas d’un rôle précis, à s’emparer d’un personnage qui lui pré-existe, et à comprendre, d’abord à partir de la lecture et de son travail sur le texte (scénario/pièce), puis avec le metteur en scène, ce que raconte l’histoire dans laquelle il s’inscrit et ce que dans cette histoire, il va porter.

Pour cela, selon le cinéaste américain Nicholas Ray, l’acteur doit d’abord définir l’idée centrale du script et, à partir de ce qu’il en aura compris, définir ce que son rôle apporte par rapport à cette idée centrale. C’est ce qu’ailleurs Stanislavski nomme le « super-objectif de la pièce » : « Le courant des objectifs mineurs indépendants, toutes les inventions, les pensées, les sentiments et les actions de l’acteur doivent converger vers le super-objectif de la pièce » (La formation de l’acteur, p. 269). L’acteur se doit ainsi de ne pas perdre de vue l’histoire globale dans laquelle il s’intègre. Ray peut décrire le travail très concret de l’acteur, directement sur le texte ou sur une page séparée, qui consiste, au fil des scènes, à noter les différentes actions du personnage, ses changements d’humeur et d’attitude. Ce rapport au texte doit permettre à l’acteur de parvenir au « ce que je veux » : « Dans une pièce, chaque personnage doit avoir une action globale, un objectif qu’il veut atteindre plus que tout autre chose. (…) Le choix final, par l’acteur, de son action globale doit s’effectuer en fonction de sa contribution à la réalisation de l’idée centrale. C’est l’épine dorsale de la pièce » (Nicholas Ray, Action, p. 149-150).

Photogramme du film La fureur de vivre, avec James Dean

Ce travail sur le texte va non seulement permettre à l’acteur de comprendre son personnage mais aussi de se l’approprier. Pour Ray, avec ce travail sur le texte, commence pour l’acteur le va-et-vient entre le personnage et lui-même : « Examinez le texte réplique par réplique (…) et demandez-vous : “Si j’étais ce personnage, que ferais-je ?”. Trouvez les sous-actions présentes dans chaque temps. Laissez chacune croître en force et en clarté tandis que vous opérez la transition de “Si j’étais lui…” à “Je suis lui.” » (Ray, p. 150). En effet, un des enjeux souvent formulé ou répété par les acteurs de leur art et du plaisir qu’ils y prennent réside dans cette capacité à « créer cette ligne indéfinissable entre la personne et le personnage. Avoir la liberté qui consiste à se déployer le plus possible soi-même, tout en restant dans le cadre contraint de la construction d’un personnage. C’est un travail subtil et exaltant. Être soi, et pas soi » (Huppert, op. cit., p. 10). Cette liberté, cette ligne sur laquelle se tenir se construit notamment pour certains acteurs et certaines actrices avec la réflexion sur l’apparence physique (costumes, coiffure) qui va être celle de leur personnage.

 

Pratique 3 : Dramaturgie, l’acteur et le texte/scénario

Objectifs : Compréhension du scénario/texte et des enjeux de la scène, mise en évidence des caractéristiques artistiques et poétiques. Vocabulaire, ambiance, rythmes…

Texte en main ou travail à la table, il s’agit de prendre une scène et de la lire en entier à haute voix (signaler que normalement on doit étudier le scénario en entier). Cette scène devient ici une pièce en soi.

  1. Se répartir les rôles par groupe de deux ou trois selon le nombre de personnages.
    Résumer la scène en : UN POINT DE DÉPART, UN ÉVÉNEMENT, UNE RÉSOLUTION.
    Voir l’objectif de la scène selon l’auteur : inventer UN MOT et UN ADJECTIF pour la scène. Inventer UN TITRE.
  2. Raconter la scène avec ses mots à soi.
  3. Relever dans la scène des mots importants (mots clefs : répétés, signifiants, ou simplement marquants pour l’élève) et repérer les points de bascule où la situation se transforme. Ces différentes parties entre chaque point de bascule peuvent elles-mêmes être considerées comme des “mini-scènes”.
  4. Considérer alors ces « mini-scènes » comme des scènes indépendantes, que l’on pourrait jouer hors contexte, en les lisant à haute voix pour mettre en évidence le sens et imaginer une autre façon de dire. Répéter l’exercice 1/ TITRES et ADJECTIFS avec ces « mini-scènes » et voir s’il y a une évolution (ou pas) qui enfermerait également d’autres « mini-scènes ». L’idée étant de considérer le moindre détail comme une scène en soi à jouer.
  5. Considérer l’objectif de chaque personnage, son point de vue (« moi je veux que »).
    • son rôle par rapport au « super objectif » de la scène (pensé par l’auteur).
    • relever ce qui est dit du personnage : par les didascalies, par les autres personnages, par lui-même.
  6. Raconter comme narrateur maintenant la scène en prenant le temps d’additionner ces mini-séquences tous ces détails

L’encadrant pointe du doigt la différence entre le premier résumé (ex 1) et le dernier récit de la scène (ex 4)


Pratique 3 bis : Colonne vertébrale du personnage

Objectifs : Passer du travail à la table, texte en main, au plateau. Comprendre la précision des gestes, le geste comme écriture.

  1. Chacun reprend trois mots, adjectifs, états, mots clés relevés dans les mini séquences et qui lui semblent correspondre au personnage à construire.
  2. Chacun improvise (pour lui-même ou devant un camarade observateur) à partir de chaque mot, objet, adjectif choisi. Il en tire des actions, des gestes, des états et les visite, se servant de son imagination, de son vécu, des accidents…
    • Chacun explore son action en développant, en ralentissant ou accélérant les gestes, décortiquant chaque étape du geste (debout, assis, flexion genou, baissant les fesses, se penchant vers l’arrière, baissant encore, rapprochant ses pieds, etc). On peut travailler et faire varier la position des doigts, la direction du regard, la vitesse, le poids mis en œuvre, etc. Cela peut durer le temps qu’il faut pour explorer les possibilités du mouvement. Il s’agit de créer, de mettre à jour des particularités physiques émanant de ces actions.
      Schéma explicatif de l'exercice d'improvisation


    • On peut jouer à mettre et enlever un chapeau, à se coiffer, mettre ou enlever un blouson, s’assoir et se lever, sortir un stylo, noter et le ranger, avoir peur / trembler, être surexcité, être épuisé etc. Mais pas de mime ou d’objet imaginaire : il faut que le poids et la forme de l’accessoire réel entrent en jeu
    • L’encadrant propose d’essayer telle ou telle précision, telle ou telle étape négligée, remarque les approximations…
  3. Chaque participant crée une suite d’actions tirées des mouvements travaillés. Il la systématise (quasiment en chorégraphie) pour pouvoir la jouer sans plus y réfléchir.
  4. Chacun présente sa chaîne d’actions.

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Auteurs : Hélène Valmary, Gilles Masson.

Ciclic, 2022.