Upopi #31 : Spectaculaire

À l'heure où les films de super-héros battent les records de recettes, arrêtons-nous sur cet adjectif, « spectaculaire » : on l'entend si souvent qu'il semble relever de l'évidence, mais il peut promettre une expérience intense et réjouissante comme être employé de façon péjorative... 

Remarquons qu'utilisé dans son sens premier, le mot peut désigner des films « à grand spectacle » (de Naissance d'une nation à Avatar en passant par Metropolis, King Kong, Autant en emporte le vent, Lawrence d'Arabie, 2001, l'Odyssée de l'espace et Jurassic Park, pour ne citer que certains de ses représentants les plus célèbres) comme des œuvres plus économes de moyens : littéralement, « spectaculaire » signifie « qui est donné à regarder », or cette définition s'applique tout aussi bien à des films mettant en scène, pour reprendre l'expression consacrée (et généralement défavorable), « deux personnages dans une chambre » — expression qui décrit par exemple assez justement trois des plus beaux et des plus importants films français de la première moitié des années 1970 : Ma nuit chez Maud d'Éric Rohmer, La Maman et la putain de Jean Eustache et Les Doigts dans la tête de Jacques Doillon.

À l'approche de l'été, période souvent propice aux films de « pur divertissement », le présent numéro d'Upopi s'intéressera plutôt au « cinéma à grand spectacle », tout d'abord sous la forme de deux textes illustrés, l'un qui explore l'histoire de l'intérêt du cinéma pour les phénomènes catastrophiques et l'autre qui étudie, au regard du cinéma, les possibilités spécifiques de la VR, cette « virtual reality » censée ouvrir de nouvelles perspectives au spectacle audiovisuel. Un tutoriel indique pas à pas comment créer en vidéo des effets de suspension du temps qui permette de donner un aspect « spectaculaire » au moindre instant de la vie quotidienne, et un montage vidéo envisage les modalités de représentation cinématographique du spectacle vivant, considéré comme voie d'accès privilégiée à la vérité.

Le film du moment est le court métrage Si jamais nous devons disparaître ce sera sans inquiétude mais en combattant jusqu'à la fin (2014) de Jean-Gabriel Périot, qui se déroule pendant un concert de rock.

Pour rester dans le ton, une frise chronologique retrace l'histoire des trucages et effets spéciaux cinématographiques, qui contribuent si souvent à la crédibilité et à l'intensité visuelle du spectacle filmique ; on revient d'une part sur le premier King Kong pour évoquer les efforts d'imagination particuliers que doivent produire les comédiens sur les tournages de films à effets spéciaux, et d'autre part sur les films qui poussent si loin le spectacle de la peur  qu'ils amènent certains de leurs personnages à en perdre la raison, voire la vie ; enfin, on témoigne du travail de lycéens qui, avec les moyens du bord, ont tourné des remakes de séquences de trois films fantastiques mémorables (Les Oiseaux d'Alfred Hitchcock, La Mouche de David Cronenberg et le King Kong de Peter Jackson), et l'on propose de réviser les mouvements de caméra grâce aux films de James Cameron, cinéaste « spectaculaire » s'il en fut.