Poésie du désastre


Si le désert de GERRY est impossible à cartographier, ce n’est aucunement pour indiquer ou faire vibrer l’épaisseur de réalité ou de signification de l’espace. Le territoire ici est réel – en ceci seulement – qu’il est un endroit où âmes et corps se perdent, qu'il s’apparente à un labyrinthe.

Mais peut-on parler de labyrinthe quand il n’y a pas de sortie, pas d’extériorité (que ce soit en termes d’espace ou de sens) ? Le désert de GERRY est donc le lieu d’un désastre qui n'aurait ni origine ni signification (métaphore de l’Amérique d’aujourd’hui, symbole de la condition humaine etc). Désastre - à la fois occasion d'une pleine immersion dans l'image (héritage du cinéma expérimental) et matériau pour une méditation cosmique (influence avouée de Bélà Tarr) - obligeant Gus Van Sant à inventer une esthétique nouvelle, une esthétique qui ne serait ni purement expérimentale ni strictement contemplative.

De quoi alors ce désastre est-il l’image ? Et comment s’orienter dans son aire ? Comment le traverser, en sortir ? Et, surtout, le doit-on ? La seule manière de l'habiter est-elle le sacrifice ? Autant de questions que posent le cinéaste.

Conférence de Jean-Christophe Ferrari, critique et enseignant en esthétique du cinéma.

Conférence dans le cadre du cycle cinéma "Cartes et territoires".
Université au cinéma - mars 2014.
Autour du film de Gus Van Sant : GERRY.