Impacts du COVID 19 sur les techniciens et comédiens régionaux

Les questionnaires élaborés par Ciclic Centre-Val de Loire à l'occasion de cette étude nous ont autant permis d'établir une fiche identité type des techniciens et comédiens de la région, et ainsi de mieux cerner les difficultés auxquelles ils faisaient face. Il ressort de cette étude que les techniciens et comédiens de la région ont été fortement impactés par l'arrêt des tournages lors du premier confinement.

L'année blanche leur a certes offert un sursis, mais en réalité la pérénité de leur situation professionnelle dépend non seulement de la possibilité d'organiser des tournages, mais également de leur possibilité, en tant que techniciens et comédiens régionaux, à se faire engager sur ces tournages.

Une filière bénéficiant en grande majorité du régime de l'intermittence

Le panel de réponses au questionnaire comédiens et technciens était majoritairement composé de techniciens et techniciennes de la filière image. En effet :

  • 20,90% des répondants étaient des comédiens
  • 79,10% des répondants étaient des techniciens

Malgré la forte disparité qu'il peut exister entre ces différentes professions, il ressort néanmoins de l'étude que la grande majorité des répondant-es bénéficie du régime de l'intermittence.

  • En effet, 79% d'entre eux bénéficient de droits à l'intermittence

La grande majorité de techniciens et comédiens de la filière image en région Centre-Val de Loire bénéficient de droits à l'intermittence, ce qui permet de mettre en évidence l'importance (déjà depuis longtemps attestée) de ce régime pour le secteur cinématographique et audiovisuel. En effet :

  • 52% des comédiens et techniciens voient 90%de leurs revenus générés par leurs activités d'intermittents.
  • 70,83% des comédiens et techniciens voient plus de 50%de leurs revenus générés par leurs activités "d'intermittents".

 

Une filière technique principalement tournée vers la prise de vue réelle

Malgré le développement de Ciclic Animation et la production de films d'animation en région Centre-Val de Loire, les techniciens et comédiens régionaux restent encore essentiellement tournés vers la prise de vue réelle.

En effet, seulement 19% des techniciens et comédiens seulement travaillent dans le domaine de l’animation.

En comparaison :

  • 38% des technciens et comédiens travaillent dans le domaine du documentaire (unitaire ou sérielle / cinéma ou audiovisuel);
  • 73% des techniciens et comédiens travaillent dans le domaine de la fiction (unitaire, sérielle / courte ou longue durée / cinéma ou audiovisuelle);

Cette forte concentration dans la prise de vue réelle, conduit la filière technique à se spécialiser dans des métiers de plateaux. En 2018, une étude menée par Ciclic Centre-Val de Loire indiquait que 79,1% d'entre eux disposaient de solides compétences techniques liées aux plateaux de tournages en prise de vue réelle.

Cette tendance est aujourd'hui confirmée, car il ressort des questionnaires que

  • 83% des techniciens et comédiens voient leurs activités liées à la production/réalisation de films;
  • 17% seulement des techniciens et comédiens voient leurs activités liées à la post-production de film;

Pour rappel, 47% des sociétés de production régionales produisent de l'animation. Aussi, la formation de la filière technique régionale à certains métiers de l'animation représente un enjeu social et économique non négligeable, qu'il convient de prendre en considération. De telles formations pourraient favoriser la polyvalence, et in fine l'employabilité, de la filière technique régionale sur les projets produits en région.

La présence de trois écoles d'Art, dont une nationale, sur le territoire régionale (à Orléans, Tours et Bourges) peut s'avérer un atout important en la matière. L'école Supérieure d'Art et de Design d'Orléans a notamment développé en 2020, en partenariat avec Ciclic Centre-Val de Loire, un cursus post-diplôme dédié au cinéma d'animation.

Une filière touchée de plein fouet par les arrêts et reports de tournages

Le premier confinement de 2020 a frappé de plein fouet la filière technique. En effet, les métiers de techniciens et comédiens étant dépendant des activités de tournage, l'arrêt des tournages, ainsi que leurs potentielles annulation ou potentiels reports ont directement impactés les professionnel-les de cette filière.

Aussi, malgré l'année blanche mise en oeuvre par le gouvernement, les pertes de revenus restent importantes. La filière technique étant principalement composée de métiers de plateau, ces pertes sont principalement liées au report ou annulation des projets en pré-production, et production : c'est à dire les projets qui se préparaient à tourner, ou qui étaient prêts à être tournés.

  • En pré-production, on estime à -83% les pertes totales de rémunérations pour la filière technique, de sorte que la rémunération moyenne par techniciens/comédiens a été diminuée de 93% sur les projets en pré-production;
  • En production, on estime à -62% les pertes totales de rémunérations pour la filière techniques, de sorte que la rémunération moyenne par techniciens/comédiens a été diminuée de 52% sur les projets en production;

Pour autant :

  • 79% des techniciens et comédiens estiment que leurs pertes de revenu pendant le confinement est inférieure à 5 000€;
  • 46% des techniciens et comédiens estiment que leurs pertes de revenu pendant le confinement est même inférieure à 1 000€;

 

Cet apparent paradoxe s'explique en réalité par deux facteurs :

  • Cela s'explique d'abord par la différence de révenus qui existe entre les "simples" métiers de techniciens, souvent payés au minimum conventionnel légal, et les métiers techniques encadrants (dits aussi "chefs de postes"), bien mieux payés ;
  • Cela s'explique ensuite également par une très faible présence des chefs de postes en Centre-Val de Loire ; 

Assurer l'après "année blanche"

Au vu des éléments présentés, il paraît évident que l'année blanche mise en place par le gouvernement a réellement permis d'éviter, au moins ponctuellement, l'effondrement complet de la filière technique image en région Centre-Val de Loire.

Pour autant, l'année blanche constitue une mise en sursis aux difficultés rencontrées par la filière technique, non une solution pérenne. Grâce à ce mécanisme, proposé par le gouvernement, les techniciens et comédiens bénéficient d'un an de répit pour justifier des 507 heures de travail nécessaires au régime de l'intermittence.

Aussi, si cette solution a effectivement permis de sursoire à une catastrophe sociale réelle, le salut des techniciens et comédiens dépend quant à lui toujours de leur capacité à être engagés sur des tournages dans l'année à venir. C'est à cette seule condition qu'ils seront en mesure de pouvoir justifier de 507h de travail effectif, au 31 août 2021.

En ce sens, la reprise des tournages (et leur maintien lors du deuxième confinement) s'avère plutôt encourageante, car 71% des techniciens et comédiens indiquent avoir été réembauchés depuis la fin du premier confinement.

Une filière technique ancrée sur le territoire régional

De manière générale, il ressort de l'étude que la filière technique de la région Centre-Val de Loire est très attachée au territoire régional, car 38% de la filière technique génère plus de 50% de ses revenus en région, dont :

  • 39% des techniciens;
  • 30% des comédiens

S'il peut y avoir un réel attachement affectif des technicien·nes et comédien·nes du territoire, inhérent à des choix personnels liés notamment à leurs vies de famille, il demeure que cet ancrage territorial doit aussi être lu comme une des conséquences des politiques de soutien à la production mises en place par les régions depuis une trentaine d'année. 

Développée dès les années 90 pour inciter les productions parisiennes à engager les professionnel-les compétents de "province", les politiques régionales de soutien à la production ont toutes conditionnées l'attribution de leur soutien à une condition de dépenses territoriales. Or, ce recours systématique à cette condition de dépenses territoriales ne favorise pas la mobilité des techniciens et comédiens régionaux.

  • Ne pouvant que très difficilement être engagés sur des tournages en dehors de leur région, mêmes dans des territoires mitoyens, les techniciens et comédiens régionaux ont été contraints à une certaine sédentarité, les conduisant à être très dépendants des aides à la production proposées par leurs collectivités territoriales, pour pouvoir développer leurs activités professionnelles.
  • Au final, cela a davantage amplifié une concurrence entre techniciens et comédiens "provinciaux", issus de régions différentes, que permis le développement des filières techniques provinciales, pour qui les embauches en tant que "chefs de postes" restent encore rares;

Les faibles dépenses professionnelles opérées par les techncien-nes et comédien-nes régionaux-les confirment l'apparente faible mobilité de cette branche professionnelle.

 

Un rapport à l'international, inchangé !

Malgré cette situation sans précédent, il demeure que l'attitude des techniciens régionaux à l'égard du développement reste inchangé. 

  • 82 % des techniciens et comédiens de la région indiquent travailler autant avec ou pour des productions internationales;
    • 5% indiquent même vouloir davantage travailler pour ou avec ces productions.
  • 81 % des techniciens et comédiens de la région indiquent travailler autant avec ou pour des productions européennes;
    • 10% indiquent même vouloir davantage travailler pour ou avec ces productions.

Une filière technique particulièrement inquiète 

Sur une liste de 41 propositions différentes, il ressort les principales inquiétudes suivantes de la part des techniciens et comédiens régionales :

  • 97% des techniciens et comédiens s’inquiètent de la réforme audiovisuelle,
  • 97% des techniciens et comédiens s’inquiètent de la diminution des aides à la production,
  • 94% des techniciens et comédiens s’inquiètent de l’annulation de tournages liée à la réadaptation des scénarios,
  • 94% des techniciens et comédiens s’inquiètent de l’encombrement des réseaux de diffusion, et de la visibilité réduite pour les œuvres,
  • 91% des techniciens et comédiens s’inquiètent des difficultés de financement de l’adaptation/réécriture des projets suite aux mesures sanitaires,
  • 89% des techniciens et comédiens s’inquiètent d’une mise en œuvre insatisfaisante de l’année blanche pour les intermittents