COVID 19 // Perspectives et pistes de réflexions

La pandémie du COVID 19 ainsi que les confinements successifs afférents ont un double effet sur les secteurs culturels du livre et du cinéma : d'une part, elle a entrainé un arrêt total des activités (ou du moins une suspension prolongée) inhérentes à ces secteurs culturels, mettant ainsi en exergue les fragilités structurelles de leurs fonctionnements, d'autre part, elle a accéléré de manière exponentielle les mutations de ces secteurs, déjà en germe depuis plusieurs années.

Finalement, les fonctionnements stables, sur lesquels reposaient ces deux secteurs culturels depuis plusieurs décennies, sont aujourd'hui complètement réinterrogés. Dans ce contexte, tous les repaires préexistants ont disparu, plongeant les professionnels du livre et de l'image dans un abîme de perplexité : ignorants encore les contours du monde de demain, et conscients de l'obsolescence au moins partielle des règles passées, chacun et chacune se demande comment exercer son métier.

Aussi l'objectif de notre action publique doit aujourd'hui consister en priorité à accompagner les professionnels du livre et de l'image dans cette période de trouble, en redéfinissant des cadres clairs et précis, cohérents avec nos missions premières : soutenir la création cinématographique, audiovisuelle et littéraire dans toutes leurs diversités, et accompagner la structuration de nos filières professionnelles régionales.

Le confinement de mars 2020 a d'abord mis à l'arrêt et/ou suspendu (pour une période plus ou moins longue) les activités inhérentes à ces secteurs culturels : tournages, exploitation, vente, marchés, forum, festival..., etc. L'arrêt de ces activités a permis, le temps d'un instant, de mettre en exergue leurs fragilités structurelles :

  • Manque réel de considération, voire une absence totale de statut d'auteur, entrainant une dévaluation du travail d'auteur ; 
  • Des trésoreries fragiles, entrainant parfois de réels problèmes de "cavalerie" ;
  • Une durée de vie de plus en plus courte des œuvres, entrainant une diminution rapide et drastique des prix de ventes (pour l'image) ;
  • Une sédentarité très importante des techniciens/comédiens régionaux.

Le second effet, plus délicat à mesurer, consiste en l'accélération extrême des mutations de ces secteurs, pourtant déjà en germes depuis plusieurs années. En effet, le confinement ainsi que la fermeture des lieux culturels a profondément accéléré les mutations comportementales des lecteurs et des spectateurs. Pour s'adapter les librairies ont, dans le meilleur des cas, mis en place des systèmes de "Click and Collect", le CNC a accepté de déroger à la chronologie des médias (fraichement votée) en autorisant une première diffusion en VAD de quelques films, et le nombre d'abonnés aux plateformes a explosé : Netflix a ainsi gagné 15,8 millions d'abonnés entre janvier à mars (alors qu'ils n'avaient estimé n'en gagner que 7 millions en 12 mois), Disney + a atteint en un an, les objectifs qu'elle s'était fixés pour fin 2024.

Or, si les comportements des lecteurs et spectateurs évoluent, il est plus que probable qu'à terme les comportements créatifs, et in fine les processus de production évoluent également. De fait ces évolutions sont déjà en mouvement depuis quelques années : deviendront-elles la nouvelle norme ? Comment accompagner les professionnels dans ces transformations ? Comment adapter correctement les politiques publiques à ces nouvelles évolutions, tout en garantissant une réelle diversité de la création ? Voici quelques questions en jeu actuellement.

Dans ce contexte, le paysage des secteurs du livre et de l'image est entièrement bouleversé : Une page se tourne et un nouveau paysage se dessine, nécessitant la définition de nouveaux modes de fonctionnement et probablement de financement. Plus que jamais les institutions publiques sont attendues pour jouer leur rôle de régulateur, afin de garantir la diversité de la création, mais également la liberté de choix des spectateurs et des lecteurs.

Pour paraphraser le producteur suédois, Tomas Eskilsson, aujourd'hui "la question essentielle pour le financement public des films est de savoir comment gérer l’équilibre entre « l’Histoire », le présent et l’avenir !" pour assurer la pérennité des secteurs du livre et du cinéma. 

Répondre à l’économie de plateforme par une politique publique culturelle de réseaux

Il ne s'agit donc pas aujourd'hui seulement de "relancer la machine", il s'agit bel et bien d’organiser une réponse efficace à l’économie de plateforme, permettant de garantir une réelle diversité de la création cinématographique et audiovisuelle à travers notamment la préservation et défense de la production et la création indépendante.

Concernant l'image, il ne s’agit pas nécessairement de dire que la production indépendante est plus qualitative que la production issue des plateformes, mais qu’elles contribuent ensemble à la qualité de l’offre cinématographique et audiovisuelle, tant et si bien qu’elles doivent toutes deux être préservées.

Aussi dans un contexte où le risque monopolistique est réel, l’intervention publique se voit principalement justifiée par sa capacité à préserver des offres alternatives, garantissant une réelle diversité de création, et in fine de choix de l’offre cinématographique, audiovisuelle et littéraire pour les lecteurs et spectateurs.

Créer une alternative à l'économie et la production de plateforme, nécessite donc la mise en place d'une politique publique de réseaux, capable de transcender les limites des institutions publiques, qu'elles soient géographiques ou purement administratives.

C'est pourquoi Ciclic Centre-Val de Loire préconise :

I- De mettre en place une politique publique capable de favoriser la mise en réseau des acteurs du livre et de l’image en :

  • Créant les conditions nécessaires aux dialogues et aux rencontres interprofessionnelles à l’échelle régionale ;
  • Favorisant les collaborations professionnelles aux échelles interrégionale, nationale, européenne et internationale ;
  • Encourageant et soutenant la mobilité des professionnels régionaux du livre et de l'image.

II- De développer la collaboration institutionnelle, à différentes échelles, pour développer un cadre commun favorable au développement d’activités professionnelles :

  • Au sein même de notre territoire régional d'abord, en favorisant, en faveur du livre et de l'image, les collaborations entre les Établissements Publics de Coopération Intercommunales, les Métropoles et la Région ; 
  • Entre régions également : tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle européenne et internationale. Il s'agit à travers ces collaborations de permettre l'émergence de réseaux nationaux et internationaux favorisant tant la création des œuvres que leur diffusion ;
  • Enfin, il s'agit également de consolider la collaboration entre notre Région et l'État, notamment par l'intermédiaire du CNC et du CNL. 

III- De développer de nouveaux outils « public/privé » pour constituer un réseau performant et rassurant :

  • La logique du réseau que nous souhaitons constituer doit également dépasser les frontières publiques et privées, afin de favoriser l'émergence de dispositifs innovants, mais également prendre davantage en considération les besoins des professionnels des secteurs concernés.

Pistes de réflexions régionales

La mise en œuvre de cette politique impliquent, à notre échelle, le développement de solutions concrètes suivantes :

CREATION DE NOUVEAUX DISPOSITIFS :

  • Création de fonds publics/privés visant à soutenir la trésorerie et la production/édition d'œuvres littéraires et cinématographiques
  • Création d’aide à la mobilité (régionale, nationale, internationale)


AJUSTEMENT DE DISPOSITIFS DÉJÀ EXISTANTS :

  • Flécher des fonds FEDER sur la structuration/relance d’activité des filières image et livre
  • Revaloriser le statut des auteurs  régionalement et nationalement :
    • Autoriser des premiers versements d’aide à l’écriture et au développement plus importants : 80% à 90%
    • Élargir les dispositifs de résidence auteurs et auteurs associés portés par le Livre, aux auteurs de l’image
  • Travailler à un meilleur rapprochement des filières livres et image avec les dispositifs de commande publique
    • Commandes publiques de livres
    • Marchés publics relatifs à des prestations audiovisuelles

RENFORCEMENT DE DISPOSITIFS DÉJÀ EXISTANTS :

  • Renforcer les dispositifs de soutiens aux auteurs livre et image

AFFIRMATION DE DISPOSITIFS DÉJÀ EXISTANTS :

Renforcer la politique menée par Ciclic Centre-Val de Loire en faveur de l’animation et l’accompagnement des filières professionnelles, notamment en matière de  :

  • Développement de réseaux professionnels régionaux, nationaux et internationaux,
  • Formations professionnelles.

Retrouvez le détail de l'étude ici :

Constats et enjeux généraux

Résultats de la filière image

Résultats de la filière livre

Préconisations

A lire/écouter aussi :

  • Analyse de l'impact de la pandémie sur le secteur cinématographique et audiovisuel par Tomas Eskilsson de Film I Väst (Suède):

Analyse de FIlm I Väst

  • Intervention du producteur Thierry Spicher, au micro de Marie Sorbier, sur France Culture dans "Affaires en cours" :

 Affaires en cours du 28 décembre 2020