3. Comment fait-on le sous-titrage ?

On peut aborder le sous-titrage sous son aspect technique, afin d’envisager autrement ces lignes de mots qui surgissent sur l’image en mouvement.

Définition. Le sous-titre est le texte écrit qui apparaît en bas de l’image d’un film. Il donne à lire la traduction du dialogue prononcé par les personnages ou, le cas échéant, du commentaire du narrateur du film.

Il y a en moyenne mille sous-titres dans un long métrage d’une heure et demie.

Objectifs et contraintes. Les professionnels du sous-titrage cherchent à proposer une traduction à la fois fidèle, discrète et lisible du dialogue original. Pour alléger le texte écrit, le traducteur prend garde à ne pas tout traduire. Par exemple, lorsque plusieurs personnages parlent en même temps, il faut choisir la réplique « dominante ». De même, on évite de répéter à l’écrit ce qui se répète à l’oral et on ne traduit pas l’ensemble des « paroles annexes », comme les bribes de dialogues audible d’une foule, par exemple. On prend en compte un temps de lecture : le sous-titre apparaît durant une à six secondes suivant sa longueur et la durée du plan. De manière générale, on cherche à faire un sous-titre « transparent ». Pour la traductrice Isabelle Audinot, « le sous-titre ne restant que quelques secondes à l’écran, la compréhension doit être rapide », elle « essaie toujours de faire croire au spectateur qu’il ne lit pas les sous-titres. »

Les étapes de réalisation d’un sous-titrage. Le sous-titre est le résultat de différentes opérations, menées par plusieurs intervenants spécialisés.

 

Débuts du sous-titrage en français : Jeunes filles en uniforme (Mädchen in Uniform, 1931) de Leontine Sagan. À l'époque, les règles du sous-titrage n'étaient pas encore établies, en particulier celles concernant la place attribuée aux sous-titres dans l'image.


1. Le repérage 

En règle générale, ce travail est réalisé dans un laboratoire cinématographique par un technicien, le repéreur. En visionnant le film en version originale, il repère les moments durant lesquels les sous-titres devront apparaître. On se sert du time code (code temporel qui s’exprime en heure, minutes, secondes et images) pour repérer, dans le temps du film, le début et la fin de chaque réplique.

On repère chaque phrase de manière précise, à l’image près (rappelons que la cadence est de vingt-quatre images par seconde au cinéma, vingt-cinq en vidéo). L’apparition du sous-titre doit correspondre parfaitement à celle du début de l’élocution. En ce qui concerne la disparition du sous-titre, les choses sont moins strictes : si le temps de lecture paraît trop court par rapport à la durée de la phrase prononcée, on peut laisser le sous-titre visible après la fin de la réplique. Néanmoins, on veillera à ne pas dépasser six secondes par sous-titre. En outre, au changement de plan suivant, le sous-titre devra avoir disparu. En effet, si un sous-titre persiste d’un plan à l’autre, le spectateur découvrant une nouvelle image va de nouveau lire le sous-titre. Dans les films au montage très serré, cette règle est assouplie pour laisser un temps de lecture suffisant. 

Pour chaque réplique, on détermine le nombre de caractères (lettres, espaces, ponctuation) que présentera le sous-titre, sachant qu’il y a en général douze caractères (lettres, espace) par seconde de projection. Pour ne pas trop empiéter sur l'image, deux lignes au plus sont consacrées à chaque sous-titre, à raison d'environ trente-cinq caractères par ligne. Doubler les lignes évite d’avoir à lire d’un bord à l’autre de l’image.

On fournit ensuite ce repérage au traducteur. Ce dernier saura alors, pour chaque réplique à traduire, la durée (donc la taille) du sous-titre à réaliser.


2. La traduction et la rédaction des sous titres

À l’aide du repérage, d’une transcription des dialogues et aujourd’hui d’une copie vidéo du film, le traducteur adapte un dialogue oral, dit dans une certaine langue, en un dialogue écrit dans une autre langue. Sa traduction ne rend pas seulement accessible une langue à un public non locuteur de celle-ci, elle permet aussi d’adapter le dialogue à la culture du pays de réception. Par exemple, si le nom d’un dessert populaire au Japon n’est pas connu en France, il faut trouver un équivalent français ou brièvement réussir à le décrire. Le traducteur doit donc avoir une bonne maîtrise des deux langues mais aussi des deux cultures. Il dispose de deux à trois semaines pour réaliser son travail.

Selon la « Charte des bons usages entre les auteurs, les prestataires techniques et les commanditaires du doublage et du sous-titrage » établie par le CNC avec les différents partenaires du secteur, « les délais raisonnables pour la réalisation d’une adaptation de qualité sont d’une semaine pour un documentaire ou un épisode de série (52 min) et de deux semaines pour un long métrage (100 min). »

Le traducteur étant un auteur, il est cité au générique. Le prestataire technique est souvent crédité également. 


3. La simulation

Cette étape réunit le traducteur, le technicien appelé le « simulateur » et le commanditaire du sous-titrage (le distributeur du film, par exemple). On teste la projection du film avec les sous-titres et l'on peut alors corriger le texte, son emplacement, le moment de son apparition et de sa disparition.


4. L’impression des sous-titres

Au fil des années, plusieurs procédés ont été utilisés par les laboratoires pour faire figurer le texte écrit sur l’image du film : sous-titrage à chaud, chimique, laser et enfin numérique. Auparavant, il fallait inscrire le texte sur la pellicule du film ; aujourd’hui, le sous-titre est intégré à un un fichier numérique contenu dans le DCP  (Digital Cinema Package : support numérique contenant le film en haute définition numérique, à destination des salles de cinéma). Le projectionniste de la salle de cinéma diffuse simultanément deux fichiers sur l’écran : celui du film et celui du sous-titre.

 

Dans cette scène de son film Annie Hall, Woody Allen exprime sous forme de sous-titres les pensées des personnages, en décalage avec leurs paroles. Dans la version sous-titrée en français, il faut deux sous-titres : l'un, en italique, qui énonce les pensées des personnages (comme dans la version originale) ; l'autre, en caractères romains, qui traduit leurs propos.

 


Auteur : Marc Frelin, coordinateur du dispositif "Lycéens et apprentis au cinéma" en Franche-Comté.
Supervision : Jean-François Buiré.
Ciclic, 2018.

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