Tendances des interventions territoriales, l'analyse des pros #1 : Philippe Germain

Ciclic vient de faire paraitre le Panorama des interventions territorialesPublication d’intérêt national, il contient une analyse des variations des politiques culturelles en faveur du cinéma et de l'audiovisuel sur l'ensemble du territoire. A ce sujet, l'agence a proposé à plusieurs personnalités, impliquées au premier chef par ces variations, de les commenter. A commencer par Philippe Germain, directeur général de Ciclic, qui porte ici un regard global sur ce qui a commencé à se dégager nationalement en 2015.

Quel est votre premier sentiment à la lecture des Tendances 2015
des interventions territoriales ?

Je dirais que le premier enseignement que l’on peut tirer de ce document, c’est que nous sommes à un moment charnière pour les dispositifs de soutien territoriaux, sous l’effet de la loi NOTRe.

D’un côté, il faut noter que les collectivités, dans leur ensemble, sont soumises à des contraintes budgétaires plus importantes, conséquences de leurs nouvelles sphères de compétences qui les obligent à repenser la répartition des financements. De l’autre, et nous pouvons tout à fait le voir dans ce document de synthèse, il convient de souligner ce qu’on peut qualifier d’essoufflement de la part des Départements.

Si ces tendances viennent à se confirmer, il peut être intéressant de suivre de près l’action – possible ou théorique – des nouveaux échelons territoriaux, comme les communautés d’agglomération, les établissements publics de coopération intercommunale, etc. Ce sont peut-être de futurs soutiens qui vont s’emparer de ces questions culturelles. Aujourd’hui, la photographie n’est pas encore fixée ; ce n’est qu’à compter du 1er janvier 2017 qu’il sera intéressant de voir comment tout cela avance.

L’une des « surprises » de ces Tendances 2015 est le recul du soutien des collectivités à la fiction TV après des années d’embellie.
Peut-on trouver des explications à ce basculement ?

Je ne pense pas que l’on peut déjà parler de "basculement" ; il faut être très prudent car, d’une année sur l’autre, cette courbe peut s’inverser. Ce n’est qu’au bout de quelques années d’étude que l’on peut passer du conjoncturel au structurel. Et l’une des explications est, peut-être, comme je l’évoquais, un recentrage des dispositifs.

Dans le cas de notre région Centre-Val de Loire, dont les crédits alloués à la fiction TV ont baissé de près de 32% en 2015, nous avons plutôt tendance à soutenir des œuvres selon des critères qui tendent plus à l’artistique qu’à l’économique. Il se peut que le soutien aux œuvres de création d’une part, à la pérennisation ou à l’émergence d’une filière économique locale d’autre part soient des facteurs qui ont conduit de nombreuses collectivités à revoir leurs interventions à la baisse.

Dans la région Centre-Val de Loire, la primauté irait donc à la création
plutôt qu’aux retombées économiques ?

Soutenir des œuvres car elles sont sources de retombées économiques locales importantes n’est pas suffisant, car elles sont également souvent ponctuelles. Je pense que l’économique peut se penser autrement que sur les retombées économiques.

"Les retombées économiques ne sont pas l’Alpha et l’Omega des politiques culturelles"

A contrario, défendre l’intérêt public local en apportant un soutien à l’émergence, en ancrant des auteurs sur le territoire et en jouant les complémentarités entre local et chaînes nationales me semble plus pérenne. Enfin, je me plais à croire que cette nouvelle réforme territoriale va peut-être obliger les différents interlocuteurs – CNC, collectivités – à passer d’un schéma unique de dispositif à des modèles adaptés à chaque territoire, en fonction de leurs spécificités. Une récente expérience de résidence d’écriture de courts métrages de genre, menée en partenariat avec une autre Région, un producteur et Canal+ et soutenue par le CNC, nous confirme que des possibilités existent pour réinventer ces soutiens territoriaux.

 

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