Stretching - Ateliers

Entrée en matière

L’ANIMATION : QUOI, COMMENT ET POURQUOI ?

Stretching est un film d’animation qui contraste avec les productions du genre que les élèves ont l’habitude de rencontrer. Dans un premier temps, on leur demandera de décrire le film qu’ils viennent de voir. Quelles différences, quels points communs avec les films d’animation qu’ils connaissent ? Si le film n’utilise ni dessin ni pâte à modeler, il se sert en revanche de la prise de vue image par image, technique de base du cinéma d’animation.  

Deuxième temps. Comment Stretching a-t-il été fabriqué ? Quelle est cette étrange technique d’animation qui contraint l’homme à décomposer ses gestes, qui l’anime comme un vulgaire objet alors qu’il peut bouger par lui-même ? Pour illustrer le principe de la pixilation, on organisera une mise en situation pour laquelle on sollicitera deux élèves inspirés, l’un prenant la place de l’appareil photographique [1], l’autre le rôle du sportif décomposant son geste en plusieurs étapes. L’exercice permettra de rappeler aux élèves que le cinéma peut aussi s’élaborer en solitaire et relever plus du bricolage [2] que de l’industrie.

Dans un troisième temps, on expliquera pourquoi la technique d’animation employée est indissociable du film lui-même. Pourquoi s’est-on imposé de tourner image par image alors que l’on aurait pu tout simplement filmer en continu la séance d’étirement ? À quoi le film aurait-il ressemblé dans le cas d’une prise de vue continue ? Qu’ajoute l’animation à Stretching ? En partant de l’étymologie de pixilation - de l’anglais pixilated : excentrique, farfelu, être saoûl (argot) – on soulignera combien c’est cette technique qui donne une allure loufoque et robotique aux gestes de ce personnage titubant et injecte ainsi une dose supplémentaire de comique. Elle lui donne le pouvoir de jouer avec l’espace, de s’y déplacer par glissade et de le modeler aux besoins de sa gymnastique. Elle rend vivant ce qui ne l’est pas en insufflant par exemple comme une pulsation aux façades. La prise de vue image par image hachure le temps, crée des ellipses, et permet d’assoir le film dans une autre réalité. L’animation fait co-exister deux temporalités dont le décalage amplifie le comique de situation : celle du personnage nonchalant et celle de la ville frénétique. Un homme prend le temps de s’étirer au milieu de l’affolement urbain. Ne pourrait-on pas y percevoir une critique de l’hyperactivité citadine ? Une gentille moquerie de l’obsession d’un corps toujours plus sain ?

  • Le meilleur moyen de bien saisir la technique de la pixilation serait de tourner une séquence à la manière de Stretching, en adoptant l’établissement scolaire comme décor. L’atelier pourrait s’inscrire dans le cadre d’une action complémentaire de Lycéens et apprentis au cinéma.

Filmer la ville

François Vogel a fait de New York un des sujets de Stretching, à travers les « séquences d’architecture » ou en se mettant en scène devant des bâtiments. Cette façon qu’a Vogel de filmer avec poésie la ville du matin jusqu’au soir renvoie à la tradition des City Symphonies qui, dans les années 20, célébraient la ville et la modernité. Si l’on peut citer Berlin, symphonie d’une grande ville de Walter Ruttman (1927), L’Homme à la caméra de Dziga Vertov (1929), Skyscraper Symphony de Robert Florey (1929) ou encore À propos de Nice de Jean Vigo (1930), c’est bien Manhatta (1921) (du poème du même nom de Walt Whitman [3]) de Paul Strand et Charles Scheeler qui nous sera le plus utile. Stretching et Manhatta possèdent plusieurs points communs : ils prennent comme sujet la même ville (avec près de 90 ans d’écart), François Vogel et Paul Strand sont tous deux photographes avant d’être cinéastes, et c’est par la poésie plutôt que par une histoire que va être approchée la ville de New York. 

La comparaison entre les deux films fera ressortir la singularité du regard que chacun porte sur la ville. Les deux cinéastes s’intéressent-ils aux mêmes éléments de la ville de New York ? Comment la ville apparaît-elle ? Agitée dans le premier cas et mystérieuse dans le second. S’agit d’un éloge ou d’une critique de la ville ? Les deux cinéastes se sont-ils placés du même point de vue ? D’en bas pour l’un, d’en haut pour l’autre. Comment  filment-ils l’architecture ? Avec une attention particulière aux lignes et aux formes pour l’un, d’un point de vue documentaire pour l’autre. Le grand angle de François Vogel ne sert-il pas à faire de la ville une matière, un ensemble de lignes dont les mouvements créent des illusions d’optiques ?

On peut voir Manhatta ici. De 02:37 à 05:14 le film met en valeur l’architecture de New York.

Adrien Heudier, 2010


[1] Lors du tournage de Stretching, François Vogel est seul avec un retardateur.

[2] Quelques exemples de films bricolés : Le Voyage dans la lune de Georges Mélies, Tango de Zbig Rybczynski, Come into My World de Michel Gondry, Nœuds papillon de rigueur pour têtes carrées de Stefan-Flint Müller.

[3] Walt Whitman, Feuilles d’herbes, Gallimard.

Atelier d’écriture

« IL N’Y A MÊME PAS D’HISTOIRE »

Atypique, Stretching l’est aussi parce qu’il ne raconte pas d’histoire, du moins au sens où on l’entend d’ordinaire. Cette absence d’histoire bien identifiable ne manquera pas de surprendre les élèves. On pourra profiter de cette occasion pour parler de ce qu’est une histoire. Faut-il nécessairement un début et une fin pour qu’il y ait histoire ? Faut-il qu’il y ait histoire pour qu’il y ait œuvre ? On demandera aux élèves s’ils connaissent des œuvres d’art dont les histoires sont aussi dissimulées. On pourra trouver des exemples dans le domaine du clip par exemple, de la poésie ou encore de la peinture. Ces œuvres sans histoires apparentes ne nous racontent-elles rien ? Quelle place laissent-elles à notre imagination ?

Un atelier d’écriture pourra permettre de répondre à ces questions. On demandera aux élèves de faire le portrait du personnage de Stretching en mêlant description d’après les éléments collectés dans le film (vêtements, gestes, traits de son visage, pouvoirs, place dans la société, rapport au monde) et interprétation personnelle (d’où vient cet homme ? que fait-il à New York ? a-t-il d’autres pouvoirs ?). À l’issue de l’exercice, on se rendra compte que Stretching raconte finalement beaucoup de choses.

Adrien Heudier, 2010