Stretching - Analyse de plan

Drôle de geste

À partir du plan ci-dessous (de 00:54 à 01:05), on demandera aux élèves de décrire le geste effectué par François Vogel : Est-ce vraiment un étirement ? Qu’évoque t-il ? Comment appelle-t-on ce type de mouvement de caméra ou plutôt d’appareil photo ? Quel lien entre le premier et le second plan, filmé par Étienne-Jules Marey ?

Le corps s'étend pour embrasser la ville toute entière, puis, dans le même mouvement, se rétracte comme pour se protéger de l'activité urbaine. De la pratique de l'étirement, ce mouvement conserve bien les phases essentielles : l'inspiration et l'expiration. Mais on ne peut s'empêcher d'y voir quelque chose de drôle, comme si en exagérant ses gestes, François Vogel tournait en ridicule l'étirement. Il a aussi quelque chose d'un animal : on pourrait presque voir Vogel mimer un ours se dressant sur ses deux pattes. Comme si le temps d'une photographie, la nature s'invitait dans la mégalopole et faisait un pied de nez à la modernité.

Le film est construit autour d'un principe : à chaque plan correspond un mouvement qui sera répété plusieurs fois en faisant des allers/retours entre les extrémités d'un bâtiment. Ce plan est composé de trois allers/retours d'une vingtaine d'images chacun : à l'aller, le personnage se recroqueville et expire ; au retour, il s'étend et inspire. Comme pour les autres mouvements, on peut repérer un changement d'échelle de plan, qui intervient à la fin du premier va-et-vient. Le plan plus large permet de mieux visualiser les lignes au sol et sur l'ensemble l'immeuble et accentue encore le jeu sur les perspectives. Il nous permet également de remarquer que cet étrange mouvement s'inscrit à chaque fois minutieusement dans une des arcades du bâtiment au second plan.

Pour réaliser Stretching, François Vogel a dû décomposer chacun de ses mouvements en une série de poses fixes, photographiées puis mises les unes à la suite des autres. On pourra mettre en perspective Stretching avec les œuvres du médecin physiologiste Etienne-Jules Marey qui présentent une autre manière de capter image par image les mouvements du corps. Il inventa, en 1882, un procédé permettant de photographier successivement les différentes étapes d'un même mouvement : la chronophotographie. L'arrêt photographique du temps lui donnant la possibilité d'étudier de plus près l'homme et la nature. Un travail d'autant plus important à faire découvrir aux élèves qu'il préfigure la naissance du cinéma. L'acteur a-t-il dû prendre des poses comme François Vogel l'a fait pour son film ? Les mouvements de l'homme sont ils plus ou moins fluides que ceux de Stretching ? Que peut-on en déduire sur le nombre d'images par seconde ?

Adrien Heudier, 2010