— Publié le 28/09/2022

Martin

Bertrand Schefer

Edition P.O.L, 2015, 112 pages, 8€

Bertrand Schefer, qui est aussi cinéaste, a longtemps travaillé sur le scénario d’un film dans lequel il voulait raconter l’histoire d’un cher ami d’enfance qui s’était peu à peu coupé du monde et vivait en marge de la société, errant sans domicile fixe et sans travail. Son destin hantait Bertrand Schefer et sa figure grandissait en lui avec les années, absorbant ses forces. Il vivait avec ce qui était devenu comme un double obscur, une part d’ombre qui le dévorait de remord et de culpabilité. Grâce au cinéma il espérait en finir avec ce fantôme et se libérer du passé. Le film n’a pas pu se faire, mais de cet échec est sorti un texte, ce récit d’un homme hanté par un double dont la figure et les choix de vie radicaux ont fixé à lamais l’époque de la jeunesse. Entre le temps de l’éloignement et celui du retour, le narrateur retrace sous la forme d’un rapport factuel, comme pour donner de la réalité à sa mémoire trouée, l’histoire réelle et fantasmée d’une amitié fondatrice.

Extrait

Dans cette toute première vie, qui commence avec la petite école, il y a un autre garçon, qui pourrait être mon frère jumeau. Il s'appelle Martin. Nous avons le même âge, lui aussi est né en février et il habite la même rue - rue de Buci, lui au n°8, moi au 10. Nous nous ressemblons.

Il est trop tôt pour parler de sympathie. Je crois qu'elle ne vient que plus tard. C'est la régularité des retours de l'école au même endroit qui insalle un lien très fort. Hasard extraordinaire, nous avons été dans la même classe depuis ce tout premier moment, jusqu'au bac. L'enfance, l'adolescence, toute la scolarité jusqu'à l'entrée dans l'âge adulte portent sa trace. Un ami, mais aussi une ombre, un double de celui que je devenais.

 

Ressources

Sur l'ouvrage

à lire

"Martin, une vie à double fond", article de Claire Devarrieux, Libération, Mecredi 6 janvier 2016

Les vingt premières pages du roman

À écouter

Numéro 1. Se réconcilier avec sa toute première vie par Bertrand Schefer et Valérie Mréjen. Émission "Une vie d'artiste" du  29 aout 2016 ar Aurélie Charon sur France Culture

 

Pour aller plus loin

À voir

En ville, Long-métrage de Valérie Mréjen et Bertrand Schefer, 2011

Enfant chéri, court-métrage de Valérie Mréjen et Bertrand Schefer, 2016

Né en 1972 à Paris, Bertrand Schefer est philosophe de formation.Il consacre ses premiers travaux à la redécouverte de textes fondateurs de la Renaissance italienne sur l’origine des arts visuels. Il est à ce titre considéré comme un spécialiste de la Renaissance italienne, traducteur des écrits de l’humaniste Pic de la Mirandole ou Giulio Camillo et de son fameux "Théâtre de la mémoire".

En 2008, il publie son premier roman, L’Âge d’or, aux éditions Allia dont le sujet porte sur le film surréaliste réalisé par Luis Buñuel, d’après un scénario auquel collabora Salvador Dalí.

En parallèle, Bertrand Schefer participe à l’écriture de scénarios pour le cinéma. En 2009, il écrit avec Valérie Mréjen celui de French Courvoisier, un court-métrage dont il joue l’un des rôles. Il est sélectionné dans plusieurs festivals, dont Cannes où il obtient le Prix Unifrance. French Courvoisier évoque le souvenir d’un ami disparu par le biais des témoignages de huit personnes réunies autour d’une table, à la fin d’un repas. En 2010, Schefer réitère cette collaboration avec En Ville, un premier long-métrage qu’il coréalise cette fois avec Valérie Mréjen. Le film est présenté en Sélection de La 43ème Quinzaine Des Réalisateurs Cannes 2011, également en lice pour la Caméra d'Or.

Pensionnaire à la Villa Médicis en littérature puis à la Villa Kujoyama en cinéma, il revient à Paris avec un roman sur la disparition, Cérémonie, publié chez P.O.L. en 2012 et deux courts-métrages documentaires tournés à Tokyo. Martin est son dernier roman.