Éditions Gallimard, 2021, 280 pages, 20€
« J’ai appris à connaître toutes les pierres de la rivière. J’ai compris que ces pierres n’ont pas besoin d’apprendre à me connaître ; que la nature n’a pas besoin de moi. Que moi seule ai besoin d’elle. »
Rien ne destinait Sabrina à une carrière artistique. Élevée par une mère fragile dans un milieu modeste, elle a peu de perspectives d’avenir. Jusqu’au jour où, lors de la visite scolaire du musée Rodin, elle découvre sa vocation : elle consacrera sa vie à l’art. Dès lors, Sabrina se voue totalement à ce projet. La précarité étudiante est vite compensée par les amitiés fortes et la richesse des recherches artistiques. Mais les soubresauts de sa vie amoureuse et les bouleversements d’un monde dont l’effondrement semble inéluctable ne tardent pas à infléchir sa trajectoire.
À travers le destin d’une artiste contemporaine, Katrina Kalda interroge la place de l’art dans un univers en crise.
Extrait
Ça n'a été qu'un ronronnement à peine audible, absorbé depuis par le virage de la cascade? Une oreille non avertie le confondrait avec le bruissement du vent dans les hêtres. Pas la mienne. Depuis le temps que je vis seule ici, je sais discerner les sons inhabituels. Qui peut encore se permettre le luxe de rouler sur cette route de montagne peu accessible, à vingt kilomètres de la ville la plus proche ? Il ne serait pas raisonnable d'utiliser du carburant et des quotas de CO₂ juste pour le plaisir d'emprunter cette route buccolique. Sauf si on se cache. Saut si on fuit. Sauf si on a une vengeance à accomplir. Sauf si on est des forces de police ou deux ceux qu'elles chassent.
Ce qu'en dit l'autrice
J'ai commencé l'écriture de ce roman alors que, nourrie de lectures sur l'effondrement, l'érosion de la biodiversité, le réchauffement climatique, je me sentais écrasée par le constat de l'impact de l'humain sur le vivant et mon sentiment d'impuissance face à cette situation. J'avais beau tenter au quotidien de minimiser mon impact sur la planète et de m'engager en parallèle dans des actions collectives, tout cela me semblait peser bien peu... J'avais besoin de trouver des sources d'inspiration pour d'autres façons de vivre en lien avec la terre.
Mon hamac-moustiquaire dans le sac à dos, je suis donc partie sur les chemins des Alpes du Sud pour découvrir le Refuge d'art d'Andy Goldsworthy. Les vertus de la solitude et de la marche, la découverte de ces havres de beauté au milieu d'une nature préservée m'ont aidée à retrouver l'élan d'écrire, au-delà du sentiment de l'inanité (de l'inutilité ?) de l'art face à la crise écologique.
Le cheminement s'est poursuivi auprès de femmes engagées dans des modes de vie cherchant à avoir un impact positif sur leur environnement - parmi lesquelles les constructrices de kerterres, Evelyne Adam et toutes celles qui l'entourent, et qui m'ont permis de mettre la main à la pâte (ou plutôt dans la chaux !)... Je retrouve dans leur façon d'habiter la Terre la notion d'"aggradation" défendue par le mouvement de la désobéissance fertile, un positionnement dans lequel l'humain participe à fertiliser les écosystèmes plutôt que de les exploiter.
Ce tour de piste serait incomplet sans l'évocation des artistes qui ont croisé mon chemin et qui étaient engagés dans la même recherche de cohérence entre le geste artistique et le lien au vivant, Annelise Dufourneaud et ses broderies, Clément Darrasse et ses trichromies, Gary et ses bronzes dissimulés dans les jardins des Alpes du Sud, Lilas Quétard et sa structure en bois mille fois remodelée...
La mélancolie du monde sauvage est un roman né de ces rencontres et de la recherche d'une autre manière d'être au monde, où l'humain tente d'avoir un impact positif sur la Terre et les autres êtres vivants.
Il va de soi que tous les personnages du roman sont des êtres de fiction et que leur vie de papier ne saurait être assimilée à celle, bien plus riche, complexe, et surtout très différente, de leurs inspirateurs/inspiratrices !
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