A l'occasion des 31èmes Rencontres annuelles de l'association INEDITS-Films amateurs-Mémoire d'Europe, qui se dérouleront à Issoudun du 25 au 27 novembre 2021, Ciclic Centre-Val de Loire organise trois tables rondes pour échanger autour de la valorisation du cinéma amateur en matière de création, d'éducation à l'image et de diffusion.
La deuxième discussion, "L'archive au service du citoyen de demain : ces images qui nous dépassent", s'articule autour de la question de l'enseignement et de la transmission.
Samedi 27 novembre 2021 à 9h
Centre des Congrès d'Issoudun, entrée libre
L'archive au service du citoyen de demain : ces images qui nous dépassent
Le film amateur apporte un nouveau point de vue sur l'histoire et la société. Il doit être interrogé et contextualisé avant d'être utilisé pour sa dimension intime, familiale, émotionnelle, sociale ou politique. En terme d'éducation à l'image et plus généralement de politique culturelle, comment accompagner les jeunes regards vers ces images amateur d'un autre temps, dans une société où la jeunesse s'est emparée des outils modernes pour, à son tour, enregistrer et diffuser une multitude d'images personnelles ? Comment les pratiques des cinéastes amateurs d'hier peuvent éclairer et aider les jeunes à s'interroger, remettre en question, leurs pratiques actuelles ?
Il convient de s’interroger autant sur la fabrication des images “intimes” d’hier et d’aujourd’hui que sur la trace et l’impact de ces images. Des images qui nous dépassent, nous survivent, et qui sont surtout réappropriables par d’autres, perçues et interprétées par le prisme et la sensibilité des uns et des autres.
« Le cinéma c’est filmer la mort au travail » disait Jean Cocteau. Quelque chose qui nous donne à voir un présent, mais qui serait déjà passé.
Les images les plus contemporaines, celles de l’immédiateté, de la quotidienneté que captent tous les jours nos smartphones, sont, une fois produites, déjà assimilées à des archives. Dans cet immense réservoir de traces du passé, les images entrent alors en résonance les unes avec les autres ; les époques, les situations, les supports argentiques, magnétiques ou numériques dialoguent entre eux dans une mystérieuse filiation faite de synchronicité, de confrontation ou de rupture.
S’intéresser de manière conjointe aux images d’archives et à l’éducation aux images c’est d’une certaine manière en finir avec la tentation de l’illustration. Celle d’une image qui porterait à elle seule un discours, une période, un contexte.
Loin de ces usages réducteurs, tout l’enjeu qui concerne le citoyen d’aujourd’hui et de demain est bien d’ouvrir, de décloisonner, et même de douter des images. Car c’est en cherchant et en s’interrogeant sur leur sens qu’une forme de vérité - forcément subjective - peut émerger.
Texte - Jean-Marie Vinclair
MODERATEUR : Jean-Marie Vinclair, responsable éducation à Normandie Images
Jean-Marie Vinclair est responsable du Service Éducation à Normandie Images et il est aussi réalisateur. Après un cursus universitaire en cinéma, il s’intéresse à la transmission du cinéma auprès des publics et développe des projets autour des images d’archives. Depuis 2001, il conçoit et met en œuvre plusieurs actions d’éducation et de formation aux images en mouvement. Interventions de professionnels du cinéma, programmation d'œuvres, animation du réseau régional, sont les enjeux essentiels de la mission de Pôle régional d’éducation aux images de Normandie Images soutenue par la Région Normandie et le Ministère de la Culture.
INTERVENANTS
Giuseppina Sapio, universitaire. Giuseppina Sapio est sémiologue, maîtresse de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris 8 et chercheuse au CEMTI. Elle est également chercheuse associée à l’Ircav (l’Institut de recherche sur le cinéma et l'audiovisuel de l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) et au Carism (le Centre d'Analyse et de Recherche Interdisciplinaires sur les Médias de l’Institut français de presse – Paris 2). Ses travaux portent sur les pratiques médiatiques en lien avec la représentation de la famille (maternité, paternité, enfance, etc.) et s’orientent actuellement vers l’étude de la médiatisation, en Italie et en France, des violences conjugales et des féminicides. Elle collabore actuellement avec la Fédération France Victimes. En 2015, elle a soutenu une thèse de doctorat sur le cinéma d’amateur et, plus particulièrement, sur la pratique des films de famille en France des années 1960 à aujourd’hui. Elle a publié de nombreux articles à partir de ce travail qui a reçu le deuxième prix Jeune chercheur 2016 de la Société française des Sciences de l’Information et de la Communication (SFSIC). En 2019 elle a organisé, avec Beatriz Rodovalho, une journée d'études sur les femmes dans le cinéma d’amateur qui a eu lieu à la Sorbonne Nouvelle.
Joseph Morder, cinéaste. Joseph Morder est un cinéaste français d’origine polonaise. Ses réalisations, pour une grande part, sont autobiographiques. Il aborde tous types de récits et tous genres cinématographiques. La singularité de son regard sur la perte de la mémoire, de la judéité ou de l’enfance a été remarqué par de grands festival comme celui de Berlin. Joseph Morder a réalisé de nombreux films sous forme de courts ou de longs métrages, de documentaires ou de journaux intimes filmés, tournant en super 8, 35mm ou en vidéo.
Jean-Louis Laubry, enseignant. Professeur agrégé d'histoire, il intervient dans la formation des enseignants depuis une vingtaine d'année et enseigne l'histoire contemporaine en licence au sein de l'Université d'Orléans, en particulier dans les antennes de Châteauroux et de Bourges. Son intérêt pour l'image en général et pour les films amateurs en particulier est venue progressivement en relation avec trois activités de nature différente : des recherches historiques à l'échelle régionale, la prise en charge d'un cours sur "l'image comme objet historique" et la promotion de l'utilisation de l'image mobile dans l'enseignement de l'histoire.
Benoît Carlus, coordinateur éducation à Normandie Images. Benoît Carlus est coordinateur des opérations d'éducation aux images depuis trente ans (Ecole et Cinéma, Collège au Cinéma, Lycéens et Apprentis au Cinéma). Il cherche à transmettre l'amour du cinéma comme art et bien culturel. Il se reconnait ainsi tout à fait dans l'expression popularisée par Alain Bergala : être un passeur. Passeur d'émotions, de réflexions, de découvertes... Il est également responsable à Normandie Images des contenus pédagogiques et des ressources numériques.
Historien de formation, il se passionne depuis longtemps pour les images d'archives et cherche à les aborder comme tout autre film : le regard d'un auteur qui, plus ou moins consciemment, nous livre un point de vue sur le monde. Toute image, même amatrice, est, de façon plus ou moins consciente, mise en scène. Qu'est ce que l'auteur choisit de nous montrer (ou pas). Cette description est complétée par des questions essentielles expliquant le point de vue adopté par le filmeur : qui filme (membre de la famille ? d'une association ? ... ) ? Pour quel public et dans quel but (souvenir, témoignage ?...). Quel est le contexte historique et technique de l'époque ? Vient enfin le temps de l'interprétation : "Que ce film nous dit aujourd'hui ? "
