Planet Z - Raccord

L’effet zoom

La planète inventée par Momoko Seto est en mouvement permanent : l’orange tourne, les plantes poussent et frémissent, les champignons marchent. Pour mieux mettre en valeur ces différents mouvements, la réalisatrice utilise de nombreux travellings : travellings avant survolant l’étendue désertique des premiers plans du film, travelling arrière venant révéler la multiplication des végétaux, long travelling latéral accompagnant l’évolution des moisissures…

Lors du mouvement de recul qui nous fait passer de la galaxie à la forêt de choux-fleurs, Momoko Seto utilise aussi un zoom numérique qui se poursuit par un zoom optique quand on « sort » du pied de chou-fleur, avant de se prolonger par un travelling arrière au milieu de la forêt de choux. Le zoom arrière (ou "dézoom") n’est pas véritablement un mouvement d’appareil, mais un coulissement de la partie optique de la caméra. Ce zoom optique est ici amplifié par un zoom numérique (obtenu par un traitement numérique de l’image) : le mouvement de recul est ainsi plus grand et permet de transformer une image d’abord présentée comme infiniment grande (une galaxie) en une image microscopique (l’atome d’un chou-fleur).

Dans ces deux techniques différentes, la relation entre l’image et la caméra n’est pas la même. Dans la première partie du plan (image de la galaxie) l’utilisation du zoom numérique donne l’impression que c’est l’univers qui disparaît au loin, alors que dans la deuxième partie (les choux-fleurs) où le zoom est purement optique, c’est l’œil de la caméra qui semble cette fois se rétracter. Par ailleurs, l’imbrication de ces deux qualités de zooms permet un double effet : d’une part un effet de liaison, de l’autre un effet choc.

Le zoom permet d’abord de réunir en fluidité ce qui semblait infiniment éloigné : l’univers et l’atome se trouvent reliés, imbriqués l’un dans l’autre. Formellement, Planet Z est entièrement construit sur cette idée de liaison : liaison entre une série de mouvements fluides et continus, liaison aussi entre des événements qui s’enchaînent inexorablement.

Tout en participant à la fluidité du film, le double zoom arrière vient pourtant délier la symétrie de ce récit en boucle (voir partie "Mise en scène") et déplier son espace clos. Il perturbe totalement les repères spatio-temporels, nous transporte brutalement d’un univers à un autre, procurant alors un effet choc. Le choc visuel est accentué par un travail sonore : un fort bruit de souffle semble nous aspirer vers un autre monde, nous téléporter dans une autre dimension. En effet, c’est un monde aux proportions bien différentes qui apparaît soudain : les choux-fleurs sont bien plus monumentaux que les premiers éléments végétaux filmés et cette démesure sera d’ailleurs appuyée par un travelling arrière serpentant entre les troncs gigantesques de l’étrange forêt.

Le zoom arrière permet aussi un changement de registre : nous quittons l’univers mystérieux et les éléments non identifiables du début du film pour nous retrouver dans un décor maintenant clairement reconnaissable : il s’agit à l’évidence de choux-fleurs alors que même l’identification de l’orange dans le premier plan du film était moins évidente.

Effet choc encore car, contrairement aux mouvements de travelling qui restent en quelque sorte ancrés au sol (la caméra est posée sur un rail) et répondent aux lois de l’attraction terrestre, le zoom, lui, permet de se détacher complètement des données spatio-temporelles instaurées par l’image. L’image se décroche, se décolle, se déforme. Le zoom propose ainsi une sorte d’anamorphose : par un jeu d’optique, un changement de perspective, la réalité observée se révèle toute autre. Le film dans son entier est un immense trompe l’œil : une orange ressemble à une planète, un brin de mousse à un palmier, un chou-fleur à un arbre…

Momoko Seto précise que ce plan peut donner lieu à différentes interprétations : il pourrait aussi s’agir d’un effet miroir, une façon de sortir de cette première planète pour en montrer une autre, qui moisit elle aussi. Dans ces deux interprétations, on conserve l’idée d’une propagation infinie de la maladie et surtout l’idée d’un film gigogne dont les différentes parties peuvent s’emboîter entre elles de plusieurs façons.

Amanda Robles, 2011