Planet Z - La réalisatrice

Du sel aux champignons

Momoko Seto est née en 1980 à Tokyo. Après des études à l’école des Beaux Arts de Marseille, elle entre au Fresnoy-Studio national des arts contemporains. Intéressée par la sculpture, la peinture, la gravure, elle réalise aussi des installations et des vidéos en tous genres, fictions, documentaires et films d’animation présentés et récompensés dans plusieurs festivals internationaux. Planet Z est son deuxième "film-planète" après Planet A (2008) qui décomposait l’évolution des cristaux de sel. Actuellement, Momoko Seto réalise des films documentaires pour l’unité "Réseau Asie" du CNRS.

Comment êtes-vous entrée au CNRS ?
Je connaissais depuis longtemps le directeur de Réseau Asie, un japonologue. Il voulait faire un film documentaire sur l’éducation japonaise et m’a demandé de l’aider au montage. J’ai ensuite obtenu un contrat de trois ans comme réalisatrice au CNRS. Il s’agit de films de commande mais j’ai eu de la chance : j’ai fait un film sur la laque au Japon – donc il est question de matière – et en ce moment je prépare un film sur le papier. Ce sont des recherches en sciences humaines mais j’ai quand même essayé de filmer la laque de manière un peu expérimentale, et il y a dans le film quelques séquences d’animation. Pendant mon temps libre, je travaille sur des projets plus personnels, comme Planet Z.

Le fait de travailler au CNRS vous a-t-il permis d’avoir accès à un matériel de prise de vues particulier?
Non. Planet Z a été réalisé avec des appareils photo du commerce et une optique macro (NDLR : l’optique macro permet d’être à quelques centimètres de l’objet à photographier). On avait cinq appareils photo qui ont travaillé pendant trois mois.

Vous avez fait beaucoup de prises ?
Oui, surtout pour les myxomycètes – les champignons mobiles – car ils sortaient sans cesse du cadre ! On les installait la veille et le lendemain ils étaient partis. Parfois je ne les retrouvais plus ! Et puis dès qu’ils s’éloignaient ils devenaient flous car on avait une très faible profondeur de champ.

Pourtant le plan où ils deviennent des champignons est très bien cadré…
Comme on prenait des photos de très grande qualité, on a pu recadrer.

Pour les choux-fleurs par contre il n’y a eu qu’une seule prise. J’aurais voulu la refaire mais on a manqué de temps. En fait la caméra s’est arrêtée en plein milieu du plan. Elle n’a pas supporté l’odeur et l’humidité dégagées par les choux-fleurs. Quand on est entré dans le studio, elle faisait de drôles de bruits comme si elle allait mourir, comme si elle criait. On l’a évacuée. Elle était en sueur. Je n’ai jamais vu un appareil photo qui souffrait autant.

Vous parlez de la caméra comme d’une personne
Je suis shintoïste. Dans cette religion, toute chose a une âme. On pense qu’un tsunami est provoqué par le dieu de la mer car il voulait changer quelque chose. On apprend depuis tout petit qu’il y a un dieu dans chaque grain de riz. Pour moi, les choux-fleurs sont comme des êtres humains…

Pourquoi ces lettres, A et Z, pour qualifier vos planètes?
Pour Planet A j’ai été inspirée par l’histoire de la mer d’Aral qui est devenue un désert de sel et comme c’était ma première planète je l’ai appelée Planet A. C’est une planète minérale et comme l’opposé du minéral c’est tout ce qui est organique, le Z marquait bien cette opposition. Et puis c’est aussi l’histoire de la fin d’une planète… Mais j’ai envie d’en inventer d’autres… J’imagine une planète humaine avec des boutons d’acné qui exploseraient au ralenti comme un volcan ! J’ai aussi envie de filmer des choses plus monumentales : le changement d’une ville, d’un bâtiment mais il faudrait filmer pendant trois ans… Ceci dit j’ai aussi envie de passer à autre chose. J’aime le changement : j’ai touché à toutes sortes de techniques artistiques. J’aime expérimenter toujours de nouvelles choses.

Entretien réalisé par Amanda Robles, 2011