Blaise Harrison, d’Armand aux Particules

Blaise Harrison, jeune cinéaste franco-suisse, a un parcours déjà riche. Avant d’évoquer avec lui son premier long métrage de fiction, Les Particules (soutenu à l’écriture par Ciclic en 2016), penchons-nous sur le travail de longue haleine mené autour du personnage central de son court métrage Armand, 15 ans l’été (Quinzaine des réalisateurs, Cannes 2011). 

Blaise Harrison : "Arte m’ayant donné son accord sur la proposition de canevas que j’avais arrêté pour ce projet, je décide de poster une annonce autour de moi et dans mon réseau pour caster le personnage central de mon film.

La voici : 

Bonjour,
Travaillant actuellement sur l'écriture d'un film documentaire pour Arte, je recherche un garçon adolescent en surpoids d'environ 15 ans qui en sera le personnage principal, et dont le physique constitue un handicap à la fois personnel (il ne peut pas participer aux mêmes activités sportives que les autres) et social (il est marginalisé à cause de sa différence).
Il s'agit d'un projet personnel de documentaire de création produit par Quark Productions (finalement produit par Les Films du Poisson pour diverses raisons) 
s'inscrivant dans une série de premiers films lancée par Arte autour de la thématique "Les filles et les garçons".
A travers le portrait de cet adolescent le temps d'un été, je souhaite montrer les difficultés auxquelles on peut être confronté à cet âge quand on ne correspond pas à la norme, et en particulier quand il s'agit d'aller vers l'autre.
N'hésitez pas à faire suivre ce message dans votre entourage, aux adolescents, profs, parents, médecins, etc. que vous connaissez, toutes les pistes m'intéressent!
Vous trouverez mes coordonnées en bas de mail.
En vous remerciant d'avance,
Cordialement,
Blaise Harrison

Je lançais donc une bouteille à la mer, en quelque sorte. Quelque temps plus tard, je reçois un premier coup de fil d’un adolescent, c’est Armand…Comment cette annonce s’est rendue jusqu’à lui ? Sa prof de théâtre, bien loin de mes contacts, qui lui transmet…Comment l’a-t-elle obtenue ? Le mystère reste entier à ce jour. Après plusieurs échanges par téléphone, je pars à sa rencontre, armé d’une petite caméra : pendant deux jours en ce mois de mai, je le filme, j’organise des interviews avec ses amis, ses parents, et je découvre un jeune homme très à l’aise, volontaire, décomplexé, solaire…Sous le vernis se cache cependant un Armand assez complexe, un peu secret, plus à l’aise avec les adultes qu’avec les jeunes de son âge, et un peu plus compliqué en tête à tête qu’avec sa « garde rapprochée », son petit cocon protecteur. Je monte les rushes de ces repérages, et ce que j’y vois me convainc que c’est bien mon personnage."

"Sur le tournage, Armand, s’il s’avère lumineux en bande, lorsqu’il est seul doit être dirigé. Pour moi, le réel est révélé via la mise en scène. Je lui donne donc des indications précises, comme on le ferait à un acteur sur un plateau de fiction... "


La suite pour Blaise Harrison est plutôt réjouissante puisque le film connait une très belle carrière en festivals (Cannes, Festival dei Popoli, Indielisboa, Visions du Réel…) avant une diffusion sur Arte en 2011. En 2014, le festival helvétique Visions du Réel passe au réalisateur une commande.

"Il s’agit de réaliser un film court (3mn en l’occurrence) sur le thème traces du futur. Je pense tout de suite à Armand. C’est ainsi que je le retrouve à 19 ans, et que je lui demande de se projeter dans dix ans et de nous décrire comment il verrait sa vie…"

C’est ainsi qu’Armand 19 ans voit le jour, pour le plus grand plaisir du spectateur qui retrouve un personnage, comme on retrouve une vieille connaissance, qui aurait beaucoup changé…Mais l’aventure ne s’arrête pas là puisque un an plus tard, c’est à New York que Blaise Harrison part filmer Armand et son rêve américain (voir article en lien).

"On se parle régulièrement, et on se voit aussi, avec Armand. Je sais où il en est, dans sa nouvelle vie, qui n’est pas exactement celle fantasmée dans Armand, 19 ans."

Aujourd’hui, le cinéaste poursuit son exploration de la jeunesse, mais dans un tout autre registre : teen movie à consonance fantastique, « Les particules », son premier long métrage de fiction, est sorti en juin 2019. Blaise Harrison, alors en pré-production, évoque la préparation du tournage.

"Nous avons obtenu l’avance sur recette avant réalisation du CNC en décembre 2016, et nous devrions pouvoir commencer à tourner l’hiver prochain. J’ai commencé le casting, qui va être un processus très long sur ce projet, puisque je vais travailler avec des adolescents, des lycéens non professionnels. En accord avec le rectorat, nous avons commencé à repérer dans mon ancien lycée dès la rentrée dernière, en observateurs discrets tout d’abord, et ensuite nous avons effectué une première série de rencontres, après la photo de classe (qui nous a bien facilité la tâche : c’est un véritable moment révélateur de personnalités). Nous avons ensuite pu tourner en février dernier des premiers essais avec l’équipement que je souhaite utiliser lors du tournage, et ces essais m’ont conforté dans mes choix. Je compte ancrer ma mise en scène dans une réalité documentaire avec l’appui de la fiction. La fiction va me permettre d’aller plus loin dans mon travail."